- 1er
février –
- SAINT IGNACE,
- ÉVÊQUE D’ANTIOCHE ET MARTYR ( Ier et IIe SIÈCLES ).
Ignace, surnommé
Théophore par ses contemporains, est l’un des plus illustres disciples des
Apôtres, et sans contredit l’un de ceux qui, par leur courage et leur foi, ont
le plus puissamment contribué à l’établissement et à la propagation de la
religion de Jésus-Christ.
Les historiens de
sa vie et les monuments de l’Église grecque ne nous ont à peu près rien
transmis de certain sur sa naissance, sa jeunesse et sa vie privée avant son
épiscopat.
Selon une ancienne
tradition, Ignace serait ce petit enfant que Notre-Seigneur Jésus-Christ prit
un jour et plaça au milieu de ses disciples en leur disant :
« Si vous ne devenez semblable à ce petit enfant, vous
n’entrerez point au royaume des cieux. »
Sa jeunesse aurait
été formée par l’apôtre saint Jean.
Ignace succéda à
saint Évode dans le gouvernement de l’Église d’Antioche.
On sait que cette
ville avait été le premier siège de l’apostolat de saint Pierre, qui ne vint se
fixer à Rome que dans la deuxième année du règne de Claude.
En transférant dans
la ville des Césars le centre de son autorité souveraine, le prince des Apôtres
avait établi Évode son successeur immédiat ;
il avait en même
temps imposé les mains à Ignace, et l’avait consacré évêque en le désignant
comme successeur d’Évode, dans la crainte que les persécutions
n’interrompissent la succession apostolique.
Saint Pierre fit
depuis la même chose à Rome, en sacrant évêques Luc, Anaclet et Clément, non
pour y gouverner l’Église après lui simultanément, en se partageant les
ministères, mais pour qu’ils se succédassent l’un à l’autre.
Ce qui caractérise
la vie et l’épiscopat de saint Ignace, ce sont la vivacité extraordinaire de sa
foi et l’ardeur insatiable de sa charité.
Il avait puisé
l’une à l’école de saint Pierre, et l’autre dans sa familiarité avec l’apôtre
saint Jean.
Ces deux vertus
éclatent dans tous les détails de sa conduite, dans ses écrits et dans les
actes de son martyre.
Sous Domitien,
saint Ignace gouverna en paix son Église, qui jouit encore du calme sous Nerva,
mais à l’avènement de Trajan, la persécution se renouvela dans quelques
provinces de l’empire.
Ce prince
attribuait sa victoire sur les Daces à la protection de ses dieux, il voulut
forcer les chrétiens à les adorer.
Il vint à Antioche,
la neuvième année de son règne, et bientôt Ignace fut amené devant lui.
— Qui es-tu,
malheureux, dit Trajan, pour mépriser nos ordres et persuader aux autres de se
perdre ?
— Je suis Ignace
Théophore ( c’est-à dire portant DIEU en moi ).
— Qui est celui qui
porte DIEU ?
— Celui qui a
Jésus-Christ dans le cœur.
— Tu crois donc que
nous n’avons pas dans le cœur les dieux qui combattent avec nous contre nos
ennemis.
— C’est à tort que
vous appelez dieux les démons des Gentils. Il n’y a qu’un Dieu qui a fait le
ciel et la terre, et la mer et tout ce qu’ils contiennent ; et il n’y a
qu’un seul Jésus-Christ, Fils unique de DIEU, au royaume duquel j’aspire.
— Est-ce que tu
parles de celui qui a été crucifié sous Ponce Pilate ?
— Oui, de celui qui
a crucifié mon péché avec son auteur, et
qui met toute la malice du démon sous les pieds de ceux qui le portent dans
leur cœur.
— Tu portes donc en
toi le Crucifié ?
— Oui, car il est
écrit : j’habiterai et marcherai en eux. »
À
ces mots, Trajan prononce cette sentence :
« Nous ordonnons
qu’Ignace, qui dit porter en lui le crucifié, soit enchaîné et conduit à Rome
pour y être dévoré par les bêtes, et y
servir de spectacle au peuple. »
Et aussitôt Ignace
de s’écrier, dans un transport de joie :
« Je vous rends
grâce, Seigneur, de m’avoir honoré de la charité parfaite envers vous, et
d’être chargé de chaînes de fer comme votre apôtre Paul. »
Il dit, on le
charge de chaînes ; il prie pour son Église, la recommande à DIEU avec
larmes, et est enlevé par les soldats.
Or c’était les plus
fameux criminels qu’on avait coutume d’envoyer à Rome, de toutes les provinces,
et l’empereur regardait comme tel le chef des chrétiens de la grande Antioche,
capitale de l’Orient.
Les lois anciennes
défendaient, il est vrai, de battre de verges et de jeter aux bêtes un citoyen
romain ; mais la haine armée de la toute-puissance, ne connaît plus de
lois ; les édits des empereurs persécuteurs les avaient abrogées à l’égard
des chrétiens.
Ignace part donc
pour Rome avec la certitude du supplice qui l’y attend, et pourtant tout
joyeux, au fond du cœur, de donner son sang pour Jésus-Christ.
Arrivé à Séleucie,
on l’embarque avec dix soldats pour le garder.
Ignace les compare
à des léopards, tant étaient barbares leurs procédés !
On embarque aussi
avec lui trois de ses disciples, Reus, Agathopus de Syrie et Philon, diacre de
Cilicie.
Après de grandes
fatigues, ils abordent à Smyrne.
C’était pour Ignace
une occasion providentielle de revoir Polycarpe, évêque de cette ville, et
autrefois disciple, comme lui, des saints Apôtres et surtout de saint Jean.
Il descend à terre,
et demande aussitôt à être conduit chez son ancien ami.
Qu’elle dut être
intime l’effusion de ces deux amis dans une telle rencontre ! Ils se
communiquèrent les grâces spirituelles, disent les anciens actes, sans doute
par le sacrement d’Eucharistie, qui en est la source et dans lequel ils
puisaient le courage invincible dont ils avaient besoin.
Muni de ce pain des
forts, Ignace, en quelque sorte, plus fier de ses chaînes, supplia Polycarpe de
concourir, avec toutes les Églises voisines, à l’accomplissement de son
martyre.
Là se trouvaient
des députés de toutes les Églises voisines, qui s’étaient empressées de venir
au devant du saint : c’était Onésime, évêque d’Éphèse, disciple de saint
Paul, avec quatre compagnons ( I )
( I ) [ Crocus, Burrus, Euplus et Fronton, cités avec éloge dans la lettre
d’Ignace aux Éphésiens. ]
; Damas, évêque de
Magnésie, sur le Méandre, avec deux prêtres ( II )
( II ) [ Bassus et Apollonius. Voy. l’épître aux Magnésiens. ]
et un diacre,
( III ) [ Sotion. Ibid. ]
et Polybe, évêque
de Tralles.
Afin de témoigner
sa reconnaissance envers ces trois Églises, Ignace leur écrivit, par leurs
députés, des lettres dans lesquelles se révèle l’esprit primitif et véritable
du Christianisme, c’est-à-dire une vraie foi en Jésus-Christ, une conviction
entière à sa divinité, une humilité profonde, une charité héroïque quand il
s’agit de la gloire de DIEU ou du salut de nos frères, et un dévoûment sans
limites à l’Église de Jésus-Christ.
« Je ne prétends pas vous ordonner comme si j’étais
quelque chose, disait-il dans
sa lettre aux Éphésiens ... Je ne fais
que commencer à être disciple ... Vous êtes heureux d’être unis à votre évêque,
comme l’Église à Jésus-Christ et Jésus-Christ au Père ... Tous ceux que le père
de famille envoie pour le gouvernement de sa maison, nous devons les recevoir
comme celui qui les envoie. Aussi devons-nous regarder l’évêque comme le
Seigneur lui-même ... J’ai su qu’il a passé chez vous des gens qui tiennent une
mauvaise doctrine et que vous avez bouché l’oreille à leurs discours ... Je
suis ravi de ce que, dans l’espérance d’une meilleure vie, vous n’aimez que
DIEU seul ... Priez sans cesse pour les autres hommes, afin qu’ils se
convertissent et qu’ils puissent jouir de DIEU. Donnez-leur le moyen de s’instruire,
du moins par vos œuvres. Opposez à leurs emportements votre douceur, à leurs
paroles hautaines votre humilité, à leurs injures vos prières, à leurs erreurs
votre fermeté dans la foi, à leur férocité votre humanité. Gardons-nous de les
imiter, mais soyons leurs frères par la charité ... Cherchons, au contraire, à
aimer et à imiter Jésus-Christ. Que ce soit à qui souffrira le plus d’injustices,
de pertes et de mépris pour lui. C’est pour lui que je porte mes chaînes, ces
perles spirituelles. »
« Il est nécessaire, dit-il aux Tralliens,
de ne rien faire sans l’évêque, et d’être soumis aux prêtres eux-mêmes comme
aux apôtres ... Gardez-vous du venin des hérétiques, et restez inviolablement
attachés à l’Église. »
Cette
recommandation revient encore dans les épîtres aux Philadelphiens, aux
Smyrniens et à saint Polycarpe. ( I )
[ Voy. la partie de cette épître qui s’adresse à toute l’église de Smyrne.
]
Il est consolant de
voir la constitution de l’Église si clairement marquée, et son unité si
fortement recommandée dès les premiers jours de son existence et dès ses
premiers combats.
Ignace n’a encore
parlé, il est vrai, que des évêques et des prêtres ; mais la suprématie de
l’Église mère est expressément reconnue par lui dans son épître aux Romains, la
plus célèbre de toutes.
On sait que cette
lettre fut écrite de Smyrne et envoyée par des Éphésiens qui allaient
directement à Rome et devaient y arriver avant Ignace.
Son but était de
supplier les fidèles romains de ne rien faire pour empêcher son martyre.
« Je crains que votre charité ne me nuise, leur disait-il ...
, Je ne veux pas avoir pour vous une complaisance
humaine ; mon unique désir est de plaire à DIEU ... Je n’aurai jamais une
si belle occasion d’arriver à Lui ; et vous, si vous demeurez en repos, jamais
vous n’aurez l’honneur d’une œuvre meilleure ... Vous ne sauriez me procurer un
plus grand bien, que d’être immolé à DIEU tandis que l’autel est prêt ... J’écris
aux Églises et leur mande, à toutes, que je meurs volontairement pour DIEU, si
vous ne m’en empêchez. Je vous en conjure, ne m’aimez pas à contre temps.
Souffrez que je sois la pâture des bêtes qui me feront jouir de DIEU ...
Flattez-les afin qu’elles soient mon tombeau, et qu’elles ne laissent rien de
mon corps, de peur qu’après ma mort, je ne sois à charge de quelqu’un. Je serai
un vrai disciple de Jésus-Christ quand le monde ne verra pas mon corps ... J’apprends,
dès à présent, dans mes chaînes, à ne rien désirer de temporel ou de vain.
Depuis la Syrie je combats contre les bêtes, par terre et
par mer, le jour et la nuit, lié, que je suis, avec dix léopards, qui se
montrent d’autant plus féroces qu’on leur fait plus de bien ; leurs
mauvais traitements m’instruisent, et je ne me crois pas justifié pour cela.
DIEU veuille que je jouisse des bêtes qui me sont préparées. Je souhaite de les
trouver bien prêtes. Je les flatterai afin qu’elles me dévorent promptement, et
qu’il ne m’arrive pas, comme à quelques-uns qu’elles n’ont osé toucher. Si
elles ne voulaient pas, je les forcerais. Pardonnez-moi ; je fais ce qui m’est
utile. Je commence maintenant à être disciple de Jésus-Christ. Aucune créature,
visible ou invisible ne m’empêchera d’arriver
à lui. Le feu, la croix, les bêtes féroces, le brisement de mes os, le
déchirement de mes membres, le broyement de tout mon corps, en un mot, les
tourments les plus cruels peuvent m’assaillir, pourvu que je jouisse de
Jésus-Christ. Les plaisirs du siècle et les royaumes de ce monde ne me
serviraient de rien. Il vaut mieux que je meure pour Jésus-Christ, que de
régner sur toute la terre. »
Toutes ces épîtres,
au rapport d’Eusèbe et de saint Jérôme ( I ),
( I ) [ Eus. III, Hist., c. 36.
S. Jérôme. de Scriptor., eccles. Ign. ]
étaient connues de
toute l’Église primitive, et on les lisait publiquement dans les églises d’Asie.
Enfin Ignace arrive
à Rome par Troade, Naples, Philippi, la Macédonie, Duras, la mer de Toscane et
le Tibre.
Les frères, en
étant avertis, se précipitent à sa rencontre, pleins de crainte et de joie.
Ils se réjouissent
de l’honneur d’avoir Ignace avec eux ; mais ils savent qu’on le mène à la
mort.
Quelques-uns s’efforcent
d’apaiser le fanatisme barbare du peuple païen, mais Ignace leur impose silence
et les conjure, plus vivement encore que dans sa lettre, d’avoir pour lui une
vraie charité et de ne pas lui envier le bonheur d’aller à DIEU.
Il se met à genoux,
prie pour les Églises, exhorte tous les frères à l’union ; puis on le conduit
en toute hâte à l’amphithéâtre.
C’était la fête des
Sigillaria, le 13e des
calendes de janvier, qui correspondait au 20 décembre ; il fallait par
conséquent des réjouissances publiques et jeter quelques chrétiens aux lions.
Le peuple s’était
rendu en foule, et les bêtes furent si cruelles que le saint martyr fut
aussitôt dévoré. Il ne resta de son corps que les plus gros ossements.
Le peu que les
lions dédaignèrent fut recueilli avec soin et reporté à Antioche comme un
trésor inestimable.
Partout sur le
passage de ces précieuses reliques, les fidèles s’empressèrent de leur rendre
des honneurs et des hommages.
À Antioche on les
mit avec respect dans une châsse et on les ensevelit dans le cimetière qui
était près de la porte de Daphné.
De telles scènes
étaient de nature à produire un effet diamétralement contraire à celui que
poursuivaient Trajan et ses proconsuls.
Aussi, Pline le
Jeune, qui avait déjà obtenu quelque adoucissement par une première lettre en
faveur des chrétiens ( II ),
( II ) Voy. cette première lettre
dans Boll. et dans tous les historiens
de l’Église.
crut devoir écrire
de nouveau.
Il expose cette
fois à l’empereur les progrès chaque jour croissants de la secte, malgré les
mauvais traitements qu’elle subit, le courage héroïque de ses martyrs, et il
conclut en demandant des instructions nouvelles en présence de ces nouvelles
circonstances.
Trajan accueille
favorablement ces observations ; il défend qu’on mette désormais à mort
les chrétiens, et se contente de les
exclure des charges et des dignités publiques.
Ces deux monuments
signalent une ère de paix pour les chrétiens d’Orient ; on les retrouve
dans les Bollandistes au 1er février.
PRATIQUES. — Souvenons-nous que nous sommes les enfants
des Saints, les héritiers de leur foi, destinés comme eux à une gloire
immortelle dont le prix a été rien de moins que le sang de Jésus-Christ. Le
privilège du martyre est rare de nos jours. Soyons apôtres de la vérité par nos
paroles, nos écrits et nos exemples, puisqu’il ne nous est pas donné d’en être
les martyrs par le sacrifice de notre vie et par l’effusion de notre sang.
PRIÈRE. — Seigneur, répandez sur nous un peu de ce feu sacré
qui inspira à vos martyrs tant d’héroïsme ! Nous vous le demandons par
Notre Seigneur Jésus-Christ, votre divin Fils, qui vit et règne avec vous dans
les siècles des siècles.
A.I.
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