LA SAINTE BIBLE
ÉVANGILE SELON
SAINT MATTHIEU
COMMENTAIRES Par M.
l’abbé L. CL. FILLION
TRADUCTION
FRANÇAISE Par M. l’abbé BAYLE
P. LETHIELLEUX 1895
CHAPITRE II
16. Tunc Herodes videns quoniam illusus esset a magis,
iratus est valde: et mittens occidit omnes
pueros qui erant in Bethlehem, et in omnibus finibus ejus, a bimatu et
infra, secundum tempus quod exquisierat a magis.
16. Alors Hérode,
voyant qu’il avait été trompé par les mages, s’irrita violemment et envoya tuer
tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tous ses environs, depuis l’âge
de deux ans et au-dessous selon le temps dont il s’était enquis auprès des
mages.
17. Tunc adimpletum est quod dictum est per Jeremiam
prophetam dicentem:
17. Alors s’accomplit
ce qui avait été dit par le prophète Jérémie disant:
18. Vox in Rama audita est, ploratus et ululatus multus:
Rachel plorans filios csuos, et noluit consolari, quia non sunt.
18. Une voix a été
entendue à Rama, des pleurs et des sanglots incessants, Rachel pleurant ses
fils et ne voulant pas être consolée parce qu’ils ne sont plus.
Jer. XXXI , 18.
17 et 18. – Tunc adimpletum est. Par cet acte barbare, Hérode accomplissait sans le savoir
une prophétie messianique. – Per Jeremiam,
XXXI, 15. Ici encore, S. Matthieu s’écarte tout à la fois du texte hébreu
et de la version d’Alexandrie; mais la divergence est très-légère et n’atteint que l’expression. De même que la parole d’Osée citée au V/ 15,
ce beau passage de Jérémie a une double signification, l’une verbale, l’autre
typique. Suivant le sens verbal, il concerne la déportation des juifs en Chaldée,
après le triomphe de Nabuchodonosor et la chute du royaume de Juda. Rachel
avait été enterrée non loin de Bethléem, Cf.
Gen. XXXV, 19. Par une admirable figure, le prophète suppose qu’au moment
où les descendants de Benjamin, qui faisaient partie du royaume de Juda, étaient
conduits en exil, elle sortit de son tombeau, poussant des gémissements
lugubres, comme une mère à qui l’on arrache ses fils et que rien ne peut
consoler de cette déchirante séparation. Mais, comme le dit Saint Augustin, les
divines écritures ont souvent plus d’un sens: « Habet, scriptura sacra haustus
primos, habet secundos, habet tertios », et il faut que ces divers sens, quand
ils ont été voulus par DIEU, s’accomplissent jusqu’à un iota, selon la parole
de Jésus-Christ. La prophétie de Jérémie devait donc trouver plus tard une
seconde réalisation, supérieure à la première. Rachel sortit une seconde fois
de sa tombe pour pleurer amèrement, au nom des pauvres mères de Bethléem, sur
les innocentes victimes de la tyrannie d’Hérode: son deuil d’autrefois était un
type de son deuil actuel. Les littérateurs ont maintes fois admiré cette
personnification pathétique. – In Rama. Rama,
suivant quelques exégètes, serait un nom commun qui désignerait les hauteurs de
Bethléem. En effet, râm signifie « élevé », et c’est ainsi que Saint Jérôme
traduit dans la Vulgate le texte hébreu de Jérémie: « Vox in excelso audita est
». Mais Rama est plus probablement un nom propre, celui d’une petite ville
située à deux lieues au Nord de
Jérusalem, et dont les ruines sont encore appelées Er-Râm par les Arabes. C’est
là que les exilés furent réunis avant leur départ pour la Chaldée; Cf. Jer. XL,
1 et suiv. Le sépulcre de Rachel en est assez éloigné, puisqu’on le montre à deux
autres lieues au Sud de Jérusalem (Kubbet-Rachil); mais de nombreux
commentateurs ont justement pensé « non indicari locum ubi clamor ortus sit,
sed ad quem dimanarit, ut adeo significetur longe lateque clamorem esse auditum
», Kuinɶl, in h. J. On peut dire aussi que Jérémie évoque à Rama l’ombre de
Rachel. – Ploratus et ululatus. En grec,
il y a trois substantifs synonymes au lieu de deux θρηνος καί κλαυθμος καί οδυρμος πολυς, ce qui
rehausse et fortifie davantage encore la pensée. Dans sa prophétie, Jérémie
ajoute, après la description tragique de ce grand deuil: « Haec dicit Dominus: Quiescat
vox tua a ploratu, et oculi tui a lacrymis; quia est merces operi tuo, sit Dominus, et revertentur de terra inimici, et est spes novissimis tuis ... et revertentur
filii tui ad terminos suos », XXXI, 16 et 17. De même dans la circonstance
présente: le Messie, l’enfant bien-aimé de Rachel, est sauvé; qu’elle se
console! Il reviendra bientôt de la terre d’exil pour le salut et le bonheur de
tous. – La peinture et la poésie ont rivalisé de zèle pour célébrer le martyre
des saints Innocents. On connaît à ce sujet les hymnes ravissantes de Prudence,
insérées dans le bréviaire romain,
« Audit tyrannus anxius » et « Salvete flores martyrum ». On connaît aussi
les belles toiles du Guide, de Rubens, de Nicolas Poussin, de Matteo di
Giovanni. – Terminons ce touchant récit par deux pensées de Saint Augustin. « Jure Innocentes dicuntur martyrum flores, quos inmedio
frigore infidelitatis exortos, velut primas erumpentes Ecclesiae gemmas quaedam
pruina persecutionis decoxit », serm. III. « O parvuli beati, modo nati, nondum
tentati, nondum lactati, jam coronati ! »
-----------------------------------------------------------CRAMPON 1923
Mat. II 16-18
Alors Hérode, voyant
que les mages s’étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il
envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son
territoire, depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu’il
connaissait exactement par les mages.
Alors fut accompli
l’oracle du prophète Jérémie disant: Une
voix a été entendue à Rama, des plaintes et des cris lamentables: Rachel pleure
ses enfants; et elle n’a pas voulu être consolée parce qu’ils ne sont plus.
Note
18. Rachel, la mère
de Benjamin et des Benjamites, avait été inhumée non loin de Bethléem ( Gen,
XXXV, 19 ).
Jérémie ( XXXI, 15) la représente
pleurant ses enfants réunis à Rama avant de partir pour l’exil de Babylone. D’après
saint Matthieu, elle se lève encore une fois de son sépulcre, pour mêler ses
cris aux cris des mères inconsolables.
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