Thursday, 6 November 2014

TOUS LES JOURS, LA SAINTE MESSE

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CHAPITRE XXVII.

PRESSANTE EXHORTATION À ENTENDRE
TOUS LES JOURS LA SAINTE MESSE.

Après tout ce qui a été dit jusqu’ici, il semblerait
inutile de vous exhorter à entendre chaque jour
la sainte Messe. Cependant j'ajouterai quelques
réflexions propres à affermir en vous cette résolution.
D'abord, aucune heure du jour n'est si précieuse
que celle de la sainte Messe. C'est vraiment une heure
d'or et, par son influence, tout ce que vous ferez dans
la journée sera, pour ainsi dire, changé en or. Sans
cette bénédiction qu'on remporte de l'autel, nous ne
saurions gagner qu'un vil métal. Vous m'objecterez peut-être:
Le travail m'est plus nécessaire que l'audition
de la Messe, puisque, par lui, je nourris ma
famille. Non, cher lecteur! L'audition de la Messe
vous est plus
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nécessaire que le travail, car, sans elle,
votre salut deviendrait bien difficile. Je ne vous dis
point de ne pas travailler, je voudrais seulement vous
voir donner à DIEU une petite demi-heure chaque
matin. Béni par sa main paternelle, votre travail ne
réussira que mieux.
Ah! si les ouvriers de nos jours voulaient y croire!
S'ils voulaient commencer leur journée à l'église!
Que peuvent-ils gagner pendant une demi-heure soit
aux champs, soit à l'atelier? Quelques centimes à
peine, et, pour ce gain imperceptible, ils renoncent aux
trésors célestes. Que dis-je? ils se privent même
des prospérités temporelles, en se privant de la
bénédiction féconde, attachée par DIEU au saint sacrifice.
S'il pleuvait de l'or, ne laisseriez-vous pas, pour le recueillir, vos
occupations les plus urgentes? En vérité,
à chaque Messe l'or coule du ciel. Cet or est
l'augmentation de la grâce divine, des mérites, des vertus,
de la céleste gloire; c'est la consolation et la piété,
c'est la protection de DIEU sur nos affaires
temporelles, le pardon de nos péchés et la rémission des
peines encourues. C'est le bonheur, le salut, la grâce,
la miséricorde. Toutes ces choses ne sont-elles pas
précieuses comme l'or pur? Quand, de peur d'un dérangement
sans conséquence, ou pour un gain misérable,
vous négligez la Messe un jour ouvrier, votre folie
est plus grande que celle d'un homme qui continuerait
à travailler au lieu de recueillir la pluie d'or.
Aussi Fornerus appelle-t-il la Messe
« une mine d'or » où l'on gagne bien plus que dans une carrière
de pierres. L'Église, elle, la proclame « la plus
excellente des œuvres », la plus propre, par conséquent,
à nous enrichir.
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« Si cet adorable sacrifice ne s'accomplissait qu'en
un seul lieu et qu'un seul prêtre dans le monde consacrât
l'Hostie sainte, avec quelle ardeur les hommes
n'accourraient-ils pas en ce lieu, vers ce prêtre unique
pour assister à la célébration des saints mystères?
« Mais il y a plusieurs prêtres et le Christ est offert
en plusieurs lieux, afin que la miséricorde et l'amour
de DIEU pour l'homme éclatent d'autant plus. Combien
donc ne doit-on pas gémir de ce que plusieurs montrent
tant d'indifférence pour ce sacré mystère, qui
est la joie du ciel et le salut du monde!
« Ô aveuglement! ô dureté du cœur humain! d'être
si peu touché de ce don ineffable et que l'habitude
conduit à l'indifférence! ( 1 ) »
( 1 ) Im. L. IV, c. I, v. 12.


§ 1. —Motifs d'entendre la sainte Messe tous les jours.

L'ambition de mon cœur, ô Chrétien, est de vous
porter à l'audition quotidienne de la sainte Messe.
Aussi veux-je encore détailler les nombreux et nobles
motifs sur lesquels est basée cette excellente dévotion.
Écoutez et considérez: Vous avez été créé de DIEU
pour le servir: la Messe est le culte divin par excellence.
Vous êtes obligé de le remercier pour ses bienfaits spirituels et temporels:
la Messe est le plus parfait sacrifice d'action de grâces. Vous êtes sur la
terre pour louer la divine Majesté: la sainte Messe
est le plus sublime sacrifice de louange. Vous avez
contracté une
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dette écrasante: la sainte Messe est le
plus riche sacrifice de satisfaction. Le péché, la maladie,
la mort vous menacent: la Messe est le plus
efficace sacrifice d'impétration. Le démon vous poursuit,
dresse ses embûches, s'efforce de vous entraîner
dans la géhenne: la Messe est le bouclier contre
lequel se brise sa puissance infernale. La mort vous
fait peur, vous cherchez des défenseurs pour la
dernière heure, et le Seigneur vous promet l'assistance
d'autant de ses saints que vous aurez entendu ( lmdy: lu, étant dans l'impossibilité d'aller l'entendre ) de Messes. ( 1 )
( 1 ) Sainte Mechtilde.
Quand il ne vous est pas possible d'assister chaque
jour à la Messe, faites-en au moins célébrer quelques-
unes, afin de suppléer à vos omissions dans le service
de DIEU et de payer pour vos fautes quotidiennes.
Si vous êtes trop pauvre, voici un conseil. Un mendiant
frappe-t-il à votre porte, un ami dans la gêne
demande-t-il un service? Offrez l'aumône de votre
pauvreté, prêtez la force de votre bras, puis dites à
vos obligés: « Pour l'amour de DIEU, veuillez entendre
une sainte Messe à mes intentions. » Certainement,
les pauvres gens vous remplaceront volontiers
au pied de l'autel et attireront sur vous et sur eux-
mêmes la bénédiction du Seigneur. Rappelez-vous
l'histoire rapportée au chapître XIX.
La pratique d'entendre la Messe les uns pour les
autres est extrêmement avantageuse et parfaitement
possible ainsi que je vous l'ai déjà expliqué. Il n'en
est pas de l'audition de la Messe comme de la communion.
On dit bien je communierai pour vous, pour
les âmes du Purgatoire, mais cela n'a pas la même
signification que de dire: j'entendrai
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la Messe pour vous. Il est aussi impossible de recevoir un sacrement
pour un autre qu'il est impossible de manger pour
lui. Néanmoins votre communion sera très avantageuse
au prochain, parce que toutes les bonnes œuvres
effacent une partie de la peine attachée à nos péchés,
avantage que nous pouvons céder à notre frère; de
plus, la communion, en augmentant en nous la grâce,
rend notre prière plus ardente et plus efficace.
Quant à la sainte Messe, Jésus-Christ ne l'a pas
instituée seulement pour celui qui la célèbre ou qui
l'entend, il veut que les absents en aient leur part,
elle leur est faite au Memento des vivants. « Souvenez-vous, Seigneur, de ceux pour qui nous vous offrons, ou qui vous offrent ce sacrifice pour eux-mêmes et pour tous ceux qui leur appartiennent. »
Enfin, chacun peut se dépouiller en faveur du prochain des mérites qu'il acquiert ou des trésors satisfactoires qu'il puise au saint sacrifice. Il me semble donc plus avantageux d'entendre la Messe pour quelqu'un que de communier pour lui. Le mieux restera toujours de s'unir à la victime immolée pour nous sur l'autel, en la recevant dans son cœur. C'est la participation la plus intime au sacrifice.

§ 2. — Les saints nous ont donné l'exemple de la fréquente assistance à la sainte Messe.

« Les paroles touchent, l'exemple persuade. » Si mes pressantes exhortations ne vous ont pas encore convaincu, je vous citerai l'exemple des saints qui, malgré leurs nombreux et importants travaux, mettaient la sainte Messe au premier rang de leurs occupations.
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Saint Augustin rapporte de sa bienheureuse mère Monique, qu'elle ne laissait passer aucun jour sans assister à la sainte Messe. Elle estimait trop la valeur du saint sacrifice dont la vertu salutaire efface jusqu'à la trace de nos fautes. Se sentant mourir loin de la patrie, elle recommandait à son fils, non pas de lui ménager des funérailles pompeuses, mais de porter chaque jour son souvenir à l'autel.
Sainte Hedwige, duchesse de Pologne, entendait tous les jours plusieurs Messes, et quand il ne se trouvait pas assez de prêtres à la cour, elle en faisait appeler d'autres pour satisfaire sa dévotion.
Saint Louis, roi de France, assistait à deux Messes, et souvent à quatre. Ses gens l'en blâmaient et trouvaient que le roi devait plutôt s'occuper des affaires du gouvernement. Le saint répondit à leurs critiques: « Je m'étonne de tant d'inquiétudes. Si j'employais le double de ce temps au jeu ou à la chasse, personne n'aurait un mot de reproche. »
Excellente réponse, qui ne convient pas seulement aux courtisans de Louis IX, mais à nous tous. En effet, quand un jour de la semaine il nous arrive d'assister à plusieurs Messes, ne nous semble-t-il pas avoir porté préjudice à nos affaires? ... et nous passons sans scrupules des heures entières à bavarder, à boire, à jouer, à dormir, ou même à nous attiffer devant la glace. Quel aveuglement!
Nous avons cité plus haut le roi d'Angleterre, Henri Ier, que le poids des affaires d'état ne détourna jamais d'entendre trois Messes chaque jour. Dans une entrevue avec le roi de France, ces
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deux princes vinrent à parler de questions religieuses. « J'estime, remarqua ce dernier, que l'assiduité au sermon est préférable à celle de la Messe. — Pour moi, répartit Henri, je préfère regarder mon ami qu'entendre célébrer ses louanges. »
C'est aussi mon opinion, cher lecteur, et j'ai souvent tranché la question en faveur de la Messe, sans vouloir déprécier l'utilité des instructions religieuses. Saint Wenceslas, duc de Bohême , donnait les mêmes exemples. Il est rapporté dans sa légende, que pendant la diète de Worms, l'empereur Othon convoqua un jour tous les princes pour une heure très matinale. Tous s'y trouvèrent ponctuellement, à l'exception de Wenceslas qui s'était rendu d'abord à la Messe. Après quelque temps d'attente, l'empereur dit à l'assemblée d'un ton impatient: « Ouvrons le conseil et, quand Wenceslas viendra, que personne ne se lève pour lui faire place. »
Cependant la sainte Messe était terminée et le duc arrive au palais. L'empereur le voit entrer accompagné de deux anges qui décoraient sa poitrine d'une croix d'or. Aussitôt il quitte son trône, va au-devant de lui et l'embrasse tendrement.
L'assemblée eut un mouvement de surprise en voyant Othon contrevenir le premier à ses propres ordres. Il s'en excusa: « J'ai vu, dit-il très ému, deux anges qui accompagnaient le duc, comment aurais-je osé ne pas lui rendre honneur? » Quelques jours après Wenceslas était investi du pouvoir royal et couronné roi de Bohême.
Baronius rapporte de l'empereur Lothaire qu'il entendait chaque matin trois Messes, même au
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camp. Et Surius affirme que Charles-Quint, ne manqua la Messe qu'une seule fois, lors d'une guerre en Afrique.
Le bréviaire Romain nous fait admirer l'ardente dévotion de saint Casimir, pendant l'office solennel, auquel il assistait tous les jours. « Son âme s'enflammait d'un si grand amour de DIEU qu'il ne semblait plus être de la terre. »
L'héroïque confesseur de la foi, Thomas Morus, qui donna sa vie pour Jésus-Christ en 1535, professait une très haute estime de la sainte Messe. Il l'entendait chaque matin, si urgentes que fussent ses affaires de chancelier d'état. Une fois, pendant qu'il priait ainsi au pied de l'autel, un messager vint le mander en toute hâte auprès du roi: « Patience, lui dit le lord-chancelier, je dois d'abord rendre mes hommages à un plus grand prince et assister jusqu'au bout à l'audience céleste. »
Son bonheur était parfait quand il pouvait servir la Messe; des esprits mondains se crurent obligés de lui reprocher cet « abaissement », mais il leur répondit: « C'est un très grand honneur d'être autorisé à rendre au plus Grand des grands ce petit service. »
Mon DIEU, que dirons-nous, quelles excuses présenter au jour du jugement, nous qui négligeons la Messe à cause d'occupations souvent vulgaires et insignifiantes, tandis que des personnages chargés du soin d'un royaume ont trouvé le temps nécessaire pour entendre, chaque jour, une ou plusieurs Messes? Je crains fort que le souverain juge ne prononce sur nous cette terrible sentence: « Qu'on jette ce serviteur inutile dans les ténèbres extérieures, c'est là qu'il y
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aura des pleurs et des grincements de dents. *1 »
*1 Matth. XXV, v. 30.
Ne dites pas en votre cœur: DIEU ne me damnera pas pour avoir négligé la Messe les jours ouvriers, puisqu'elle n'est obligatoire que le dimanche et les fêtes. Sans doute, il ne traitera pas une omission comme une transgression positive, mais il vous fera expier votre nonchalance à son saint service. Le serviteur paresseux qui fut jeté dans les ténèbres extérieures, n'avait ni dissipé ni perdu au jeu le talent que son maître lui avait confié; il l'avait enterré, et c'est pour son insouciance à le faire valoir qu'il fut condamné. Prenez garde que DIEU n'en use de la sorte envers vous. On a vu souvent avec quelle rigueur il punit l'indifférence envers le saint sacrifice de l'autel. Je n'en citerai qu'un exemple arrivé aux environs de Rome dans l'hiver de 1570.
Trois marchands se rendaient de Gubbio à la foire de Cisterno où ils descendirent dans la même auberge. Il firent d'excellentes affaires et, la foire terminée, deux d'entre eux dirent au troisième: « Il faudra partir demain de grand matin pour arriver chez nous avant la nuit. — Y pensez-vous? répondit l'autre; manquer la Messe demain dimanche? Je suis d'avis d'aller à l'église d'abord, ensuite nous nous mettrons en route sous la protection de DIEU. »
Les deux premiers ne veulent pas de ce conseil; ils partiront et remplaceront la Messe un autre jour. DIEU connaît bien leurs motifs et l'importance de leurs affaires. Bref, ils partent à l'heure dite, sans s'inquiéter de leur pieux compagnon qui se rend à l'église. Hélas! arrivés à
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Corfuone, à deux milles de Cisterno, traversant sur un pont de bois la rivière débordée, le pont s'effondre sous leurs pas et ils sont engloutis par les flots. Avec leur argent et leur vie, peut-être avaient-ils aussi perdu leur âme?
Une heure plus tard, arrive le troisième marchand. Les riverains lui racontent l'accident qui vient de les plonger dans l'effroi , et le conduisent près des cadavres qu'on venait de retirer de la rivière. Vous jugez de son émotion, d'autant plus pénible qu'il ne pouvait s'empêcher de constater dans ce malheur le sévère jugement de DIEU. Il remercia le ciel de l'avoir préservé par la sainte Messe d'une mort semblable, et le pria de lui venir en aide pour annoncer la terrible nouvelle aux veuves des victimes.
Puisse ce châtiment vous effrayer et vous convertir, vous tous qui n'hésitez pas entre la Messe d'obligation et un vil gain matériel, entre un péché mortel et quelques pièces de monnaie. Ceux-là aussi devraient trembler qui font leurs achats de préférence le dimanche et les jours de fête. Ne voit-on pas des groupes entiers de paysans aller au marché de la ville, au lieu d'assister à la Messe paroissiale pour l'édification de tous? En partant, ils sont toujours sûrs d'arriver à point pour une Messe. Combien de fois, dites-moi, vos emplettes vous ont-elles fait manquer une partie essentielle du saint sacrifice, en sorte que, pour des bagatelles, vous risquez le feu de l'enfer!
Quant aux parents qui détournent leurs enfants d'assister à la Messe le dimanche, ils pourraient bien encourir le châtiment de Gérontia, mère de sainte Geneviève. Un jour de fête qu'elle
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prétendait empêcher sa fille d'aller à la Messe, Geneviève lui dit avec beaucoup de fermeté: « Chère mère, je ne puis en conscience manquer la Messe aujourd'hui; je préfère vous mécontenter que mécontenter mon DIEU. » Irritée de cette réponse, Gérontia s'oublia jusqu'à la souffleter en criant à la désobéissance. La peine suivit aussitôt la faute, Gérontia fut frappée de cécité. Elle ne recouvra la lumière que deux ans plus tard, aux prières de sa sainte fille.
Les pères et mères de famille sont obligés d'envoyer à la Messe non seulement leurs enfants, mais aussi leurs serviteurs; ils doivent surveiller leur tenue à l'église et les exhorter à un grand respect envers le Saint-Sacrement. L'apôtre saint Paul le veut expressément. « Si quelqu'un n'a pas soin des siens, dit-il, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi, il est pire qu'un infidèle. » *1
*1 I Timotée, c. V, v. 3.
Le mot soin signifie, d'après saint Jean Chrysostôme, aussi bien la conservation de l'âme que du corps. Or, si un père de famille qui néglige de fournir à ses enfants et aux gens de sa maison la nourriture et le vêtement est, aux yeux de DIEU, pire qu'un infidèle, combien plus méprisable sera celui qui ne se se soucie pas du salut des siens.
Maîtres chrétiens, voyez de quelle manière vous remplissez vos devoirs à cet égard. Laissez-vous toute liberté à vos serviteurs pour aller à la Messe, quand la proximité de l'église et l'heure matinale leur en donneraient la facilité? Ne semblez-vous pas dire par votre attitude: ce n'est pas DIEU, c'est moi que tu dois servir, parce que ce
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n'est pas DIEU, c'est moi qui te paie? Tu travailleras donc toute la semaine pour moi seul. — En vérité, de tels Chrétiens sont pire que des païens; ils apprendront à l'heure de la mort l'énormité de leur péché.

Fin du chapitre 27

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